Interdire les «mesures de conversion»

Communiqué de presse de TGNS, LOS, Pink Cross, Network, Association faitière Familles arc-en-ciel, et Wybernet

Le Conseil national a accepté le 12 décembre 2022 par 143 voix contre 37 (11 abstentions) une motion de sa commission des affaires juridiques qui demande une interdiction nationale des pratiques de conversion sur les personnes LGBTQ+. Sous le terme mesures de conversion, ou «thérapies de conversion», sont regroupées un ensemble de pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle et affective ou l’identité et expression de genre d’une personne, avec le but préétabli de les mettre en conformité avec un modèle cisgenre hétérosexuel.

Le terme «thérapies de conversion» lui-même pose cependant problème, comme le souligne Gaé Colussi, responsable Suisse romande de Pink Cross : « Le terme thérapie est erroné, car ces pratiques ne soignent rien. Au contraire, elles sont la cause d’une grande souffrance pour les personnes qui les subissent ! C’est pourquoi nous préférons parler d’interventions, de mesures ou de tentatives, d’autant qu’elles ne fonctionnent pas. »

La Suisse n’est pas épargnée par le phénomène, comme en ont témoigné diverses recherches et enquêtes journalistiques récentes. Et alors que plusieurs États ont interdit ces pratiques ou se préparent à le faire, la Suisse est pour l’heure à la traîne. « Nous demandons l’interdiction pénale de ces pratiques ainsi qu’un régime de sanctions contre les personnes qui les exercent, les diffusent ou les promeuvent, car elles ont des conséquences graves sur la santé psychique des personnes qui les subissent, et seule une interdiction pénale couvrirait tous les cas.» relève Alecs Recher, responsable pour le conseil juridique et le plaidoyer chez TGNS. « Le Conseil national a enfin reconnu qu’il était temps d’agir. Il donne ainsi un signal clair : la Suisse ne peut plus faire comme si ces pratiques n’existaient pas » souligne Muriel Waeger, co-directrice générale de l’Organisation suisse des lesbiennes (LOS), soulagée par l’acceptation par le Conseil national.

Andreas Künzler, responsable de la commission politique de Network insiste cependant : « L’interdiction n’est pas encore garantie. Nous demandons au Conseil des Etats d’accepter aussi la motion afin qu’une interdiction pénale puisse être élaborée au plus vite. »

Une nouvelle étude de Dr. Yv E. Nay de la Haute Ecole de sciences appliquées de Zürich (ZHAW) relève que ces pratiques ont une longue histoire, et prennent leur source dans la pathologisation de l’homosexualité puis des transidentités au cours des 19e et 20e siècle. Elles se fondent sur l’idée erronée que l’homosexualité et la transidentité devraient et pourraient être « soignées ». « Ces pratiques partent du principe que l’homosexualité et la transidentité sont moins bonnes que le modèle cisgenre hétérosexuel, et qu’il s’agirait dès lors de les corriger. Cette position et ces pratiques ont été condamnées à plusieurs reprises par les Nations Unies et dénoncées par les principales associations professionnelles ainsi que par l’Organisation mondiale de la santé. » souligne Yv E. Nay.

Outre une interdiction généralisée, l’étude souligne aussi l’importance de sensibiliser à large échelle aux questions LGBTQ+ – dans les écoles, universités, communautés religieuses, etc – afin de déraciner durablement ces pratiques et les discours qui les sous-tendent. De même, les associations professionnelles des domaines du soin et de la relation d’aide devraient renforcer les formations de leurs membres aux questions LGBTQ+, afin de pouvoir accompagner au mieux les personnes dans leurs questionnements.

Etude complète de Dr. Yv E. Nay